Auguste Velland est né à Saint-Jorioz en 1937 dans une famille qui a une longue tradition boulangère : installés près du Laudon qui depuis toujours fait fonctionner moulins, scieries et autres artifices, ses ancêtres sont meuniers depuis 1711, boulangers depuis 1859.
Pour tous, Auguste Velland reste le boulanger, figure centrale de sa commune, à la fois parce qu’il est l’homme du pain et parce que la boulangerie est située au coeur du village. Des années durant, il a assuré la distribution du pain jusque dans les communes voisines et sillonné le pays à bord de son van. On connaît moins le grand voyageur qui, curieux de toutes les montagnes du monde, s’est aventuré dans les contrées les plus lointaines, les plus mythiques de la planète : Équateur, Pérou, Bolivie, Népal, Tibet, Patagonie.
Les voyages lui ont donné l’occasion de cultiver son autre passion, celle de la photographie et de la vidéo. C’est un regard passionné, en effet, qu’il a porté sur les pays qu’il découvrait. Très tôt soucieux de la qualité de l’image, il devient membre du Caméra Club d’Annecy et s’initie à l’art du montage. La technique s’affirme, le regard s’affine, s’aiguise, s’approfondit.
C’est un autre voyage qui attend Auguste au retour de ses explorations lointaines, un périple certes plus modeste, celui qui l’amène à parcourir quotidiennement, entre lac et montagnes, les communes de la rive gauche du lac d’Annecy pour la tournée du pain. Car la tournée est une manière de voyage, et si les horizons sont familiers, apparemment immuables, il est une façon de porter sur les êtres et les choses un regard tendre, curieux, toujours aux aguets, qui permet de capter la merveille ou l’insolite. La caméra reste à portée de main et il y a un vrai bonheur à naviguer inlassablement entre Semnoz et Taillefer, à redécouvrir jour après jour un paysage qu’on croyait sans surprise. Paradoxalement, la routine de la tournée quotidienne est propice à la rêverie et peut se révéler, à sa façon, une vraie aventure…
On ne sera pas étonné que ses plus belles réussites de cinéaste amateur, Auguste les doive aux courts-métrages qu’il a réalisés sur la vie locale telle qu’elle est en train d’évoluer à partir des années 60. C’est ainsi qu’il a saisi sur le vif les grandes scènes du monde rural traditionnel au moment où il rayonnait de ses derniers feux : labours et moissons ; fêtes communales et paroissiales ; coulage du lait à la fruitière et fabrication du fromage ; passage de la batteuse dans les fermes, de la distilleuse (l’alambic) dans les villages ; cueillette des noix, gromaillaisons, et pressée de l’huile. L’un des fleurons de cette série est incontestablement le court-métrage consacré à la fabrication du pain telle qu’elle se pratiquait dans les familles, depuis la préparation de la pâte, le pétrissage dans la huche à pain, jusqu’à la cuisson dans le four banal et la sortie du four. Magnifique hommage de l’artisan-boulanger au paysan qui fabrique son pain à l’ancienne !
Il faut mentionner tout particulièrement un document exceptionnel sur un artisanat lui aussi condamné à disparaître : la construction des barques Beauquis. On assiste ainsi à la réalisation, la dernière peut-être, d’une de ces barques en bois dont la silhouette, si élégante, a régné pendant des lustres sur le lac avant qu’elles ne soient évincées par les embarcations en plastique.
C’est un rapport très charnel à la matière qui est célébré à travers ces courts-métrages, qu’il s’agisse de la terre nourricière et généreuse que le laboureur retourne ou du bois qui demande une approche subtile, presque caressante, pour se plier au jeu de courbes. Mais les matières de prédilection d’Auguste sont bien sûr la pâte, le lait et l’huile. Matières primordiales, non seulement parce qu’elles correspondent à des produits de première
nécessité, mais aussi parce qu’elles offrent un aliment de premier choix à notre imaginaire si l’on sait rêver au bonheur du pétrissage, au travail du levain dans la pâte, à la douceur crémeuse et maternelle du lait, à l’onctuosité du beurre, à la mystérieuse fermentation du fromage, à la belle huile ambrée et parfumée qui coule de la presse….
Mais la matière ne va pas sans les hommes. Hommes et femmes du terroir, les personnages que la caméra immortalise nous semblent aujourd’hui surgis d’un autre temps, avec leurs corps marqués par une vie rude, mais on retient surtout leur amour du travail, leur bonhommie et leur sens d’une chaleureuse et paysanne convivialité.
Les films d’Auguste sont aussi un discret mais vibrant éloge d’une pâte qui ne le cède en rien à celle du bon pain : la pâte humaine.
Il y a forcément un parfum de nostalgie qui se dégage de ces scènes de la vie d’autrefois. Mais la nostalgie, loin de nous enfermer dans le regret stérile du passé, est d’abord l’hommage qu’on est bien en droit de rendre à ces générations qui nous ont précédés.
Films réalisés par Auguste Velland
65 film(s)
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