Eugène de Grolée-Virville est né en 1907 à Chorges, village des Hautes-Alpes, qu'il quitte vers 20 ans. Il épouse Suzanne Moussaint, originaire de Normandie, avec qui il a un fils, mais se destine peu à une vie de famille.
Son quotidien est fait d’allers-retours entre Paris, où il travaille dans le secteur du commerce de fourrure et les Alpes françaises, où il pratique l’alpinisme, les randonnées et le ski.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il apporte de l’aide à ses confrères de confession juive du quartier des Petites Ecuries, réputées pour ses nombreuses boutiques de fourrure, en se servant de son nom et apporte des informations pour permettre le sabotage de trains transportant de la fourrure à destination de l’armée allemande.
Dans les montagnes des Alpes, son ancrage est entre Grenoble, Alpe d'Huez et Modane. En 1944, il logeait avec son fils au Grand Hôtel place Grenette à Grenoble et dans son chalet « Le Brise-glace » à Alpe d’Huez où il côtoyait des comédiens, telle que Madelaine Sologne et connaissances haut placées. Sa vie à Alpe d’Huez est en réalité une couverture pour sa vie de résistant.
Il rejoint en effet différents groupes de résistants : le maquis d’Alpes d’Huez et celui de Maurienne. Doté de deux caméras, une 35 mm qui nécessitait un assistant et une plus petite de 16 mm, il était souvent sollicité pour filmer la vie des maquisards. Certains films ont été retrouvés 70 ans après et font aujourd’hui partie intégrante des collections de la Cinémathèque des pays de Savoie et de l’Ain. Entre le printemps et l'automne 1944, Eugène a capturé le quotidien de résistants de la compagnie Stéphane (bataillon du Grésivaudan) dans leurs campements, leurs déplacements, leur entrainement, au cours de quelques embuscades et combats dans les Alpes en Savoie. En septembre 1944, il filme l’exécution de miliciens à Grenoble et celle de la Libération de la ville. Malheureusement de nombreux films demeurent introuvables…
Selon l’anecdote, le lendemain de la mort du résistant Gaby Barré par l’armée allemande aux alentours de Modane, il monta sur la scène du cinéma « Le Rex » à Grenoble, dont les exploitants n’étaient autres que les parents du défunt, afin de demander une minute du silence en son honneur aux spectateurs, parmi lesquels se trouvaient des soldats allemands…
Eugène arrêta de filmer après la guerre. Il décède en 1993 à Joigny dans l’Yonne, laissant derrière lui un témoignage unique au cœur de la Résistance française…

Propos recueillis par son fils unique, Alain Grolée-Virville en 2018 et 2023.