Synchronisme

Chez Paillard, un autre monde d’amateurs a émergé, riche en expressions, en valeurs et en procédés, c’est celui des machines sonores : phonographes, gramophones, radios, combinés, etc. Comme dans la branche « cinéma », l’excellence de l’ingénierie et le zèle ouvrier y sont les garants tant du fonctionnement interne (régularité, solidité) que de la présentation extérieure des appareils (luxe du matériau, soin du fini, beauté de la « ligne »).

Dans ce monde-là aussi, l’amateur est omniprésent, il y apparaît d’abord sous les traits du « discophile », adepte de la musique enregistrée, puis sous ceux du « sans-filiste », qui trouve son plaisir « dans la construction même du poste » ou « dans ce sport qui consiste à capter le plus grand nombre possible d’émissions diverses ».

 

Ci-contre : Liste trilingue des prix des "machines parlantes" fabriquées par Paillard, années 1920. Archives cantonales vaudoises, fonds Paillard-Hermès-Precisa, PP680/2514.

Dans cette branche industrielle, on s’efforce de personnaliser la « machine parlante », d’en individualiser l’usage, d’en simplifier la manipulation, bref, de la configurer pour l’espace domestique des auditeurs. Lorsque la radio Paillard intègre à son tour le home, elle peut prendre la forme d’un élégant bahut. L’appareil est enveloppé dans un boîtier de bois précieux, poli et orné de trois barres métalliques, en parfaite adéquation avec la décoration d’un intérieur cossu.

« Le monde dans votre main », tel est l’un des slogans diffusés dans les années 1930 pour le promouvoir. Pareille formule donne l’idée que le simple geste de réglage du poste fait surgir des sons de tous horizons dans le foyer.

 

 

Ci-contre : La radio relie l'auditeur au monde selon cette publicité tirée d'une affiche du dessinateur suisse Martin Peikert, 1939. Archives cantonales vaudoises, Fonds Paillard-Harmès-Precisa, PP680/2508.

 

Ci-dessous :  Radio modèle 58, Paillard, Sainte-Croix (Suisse), 1938, Fondation Bolex-Ouvelay.

Parallèlement à cette sédentarisation de l’écoute, l’industrie des machines sonores répond aussi à un désir croissant de transportabilité. Encastré dans une valise en cuir, le « portatif » de Paillard ou, en allemand, le « Reiseapparat », est le gramophone qui devient à la mode dès la fin des années 1920. Pesant en général moins de 10 kg, il conserve grâce à son moteur à ressort une autonomie de fonctionnement qui permet de l’emporter avec soi en villégiature ou en voyage. L’itinérance de l’usager est intériorisée dans l’appareil-valise, conçu pour se plier et se fermer sur lui-même. Des préoccupations similaires touchent la conception des radios, qu’on aspire à rendre plus compactes, mobiles et résistantes à destination du marché colonial.

 

" Bolex est bien connu des amateurs de cinéma comme le projecteur capable de projeter aussi bien du 16 mm que du 9.5 mm. Paillard est tout aussi connu dans l'industrie du gramophone surtout par rapport aux moteurs. Une combinaison des deux devrait être intéressante."

Bernard Brown, 1933

 


Cette expertise dans le domaine sonore, Paillard tente logiquement de l’allier à celle qu’elle développe en cinéma après la crise économique de 1929. Si les amateurs se préoccupent déjà de sonoriser leurs films, le dispositif « ciné-sonore » Bolex présenté à la Foire de Paris de 1932 entend leur offrir rien de moins que le synchronisme, c’est-à-dire le « spectacle complet chez soi ». Accouplement d’un gramophone et d’un projecteur, ce dispositif relève de l’agrégat d’appareils, mais il fait partie des tentatives précoces d’individualisation du cinéma devenu « parlant ». Ce rapprochement n’est qu’une première étape dans une quête du spectacle total à domicile, qui se poursuit avec le procédé de son sur film dans le projecteur GS dès 1939.

 

 

Ci-contre : Agrégat d'appareils plus que nouvelle machine, le "groupe" ciné-sonore Paillard-Bolex met le synchronisme à la portée de l'amateur. Ciné Amateur (Paris), n°10, février 1932.

 

Ci-dessous :

- Les débuts de la branche cinématographique de Paillard sont marqués par des recherches en direction du cinéma sonore, prolongeant une expertise ancienne dans le domaine des "machines parlantes". Archives cantonales vaudoises, fonds Paillard-Hermès-Precisa, PP680/2482.

- Groupe Ciné-sonore Paillard-Bolex

- Synchronat Paillard-Bolex M8, Paillard, Sainte-Croix (fabriqué en Allemagne), c. 1957, Fondation Bolex-Ouvelay.