Précision

« Précision suisse »… Au-delà du cliché, la précision mécanique se présente bel et bien comme le principe fondateur des appareils de cinéma amateur de la marque Bolex. Pour comprendre ce qui fait l’originalité de Bolex, il faut en effet remonter aux origines de la maison Paillard, qui voit le jour en 1814 à Sainte-Croix dans le Jura suisse. D’abord un modeste comptoir d’assemblage de montres, l’entreprise familiale se tourne rapidement vers la fabrication de boîtes à musique et de « pièces à disque ».

 

La société C. Paillard & Cie contribue à l’essor de cette industrie récemment implantée dans la région en perfectionnant les boîtes à cylindres interchangeables, qui connaissent un franc succès et consolident la réputation de l’entreprise. Prolongeant son expertise en matière de musique mécanique, Paillard propose à partir de 1904 des gramophones dont on vante la qualité de fabrication, en plus de multiplier les constructions de plus petite envergure : métronomes, moteurs électriques, taille-crayons, etc. Cherchant toujours de nouveaux débouchés économiques, la société vaudoise entame en 1923 la production des machines à écrire Hermès, promises à un bel avenir, puis quelques années plus tard, celle des récepteurs radio.

 

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Ci-contre : Boîte à musique à cylindres interchangeables, Thorens, Sainte-Croix (Suisse), c. 1940, collection Marie-Odile Brouard.

 

Ci-dessous : Métronome, Paillard, Sainte-Croix (Suisse), c. 1950, Musée des Arts et Sciences de Sainte-Croix.

 

Ci-dessous : Machine à écrire Hermès Baby, Paillard, Yverdon-les-Bains (Suisse), c. 1940, Fondation Bolex-Ouvelay.

Pendant la crise économique, l’industrie du gramophone connaît un recul drastique, incitant Paillard à se lancer dans l’aventure cinématographique en 1930.
Suivant une politique de diversification, Paillard rachète la petite société genevoise Bolex, cofondée par l’inventeur d’origine ukrainienne Jacques Boolsky. L’entreprise en déclin propose entre autres la caméra 16 mm « Auto-Ciné », construite dans les ateliers du fabricant de montres Longines à Saint-Imier. Cet héritage industriel du secteur horloger distingue Bolex des autres concurrents de l’époque.

Contrairement à Bell & Howell, Arri et Victor, nées par et pour le cinéma, Paillard n’a pas pour activité principale la fabrication d’appareils cinématographiques, perçue plutôt comme une extension logique de son activité de fabrication industrielle. Contrairement à Kodak, Agfa ou Zeiss, qui proviennent de la photographie et de l’optique, Paillard est issu du domaine de l’horlogerie et de la mécanique de précision.

 

Ci-contre : Caméra Auto-Ciné A inventée par Jacques Boolsky.

"La caractéristique essentielle de la nouvelle caméra nous apparait devoir être la caractéristique de tous les appareils Paillard, dont la réputation est solidement établie, c'est-à-dire une caractéristique constructive : précision et fonctionnement parfait."

Marc Renaud, 1931

 

Cette filiation horlogère ne tient pas du seul slogan publicitaire, mais se manifeste aussi dans la conception même des appareils. Marc Renaud, l’ingénieur qui met au point la célèbre caméra modèle H, s’inspire directement des mécanismes horlogers pour établir la dimension du barillet et la force du ressort devant activer la caméra, ainsi que l’emplacement des axes et des engrenages sur la platine.


S’inspirant des méthodes d’assemblage des mouvements de montre, Renaud choisit de fixer le mécanisme entier de la caméra entre deux platines. Ce choix technique permet non seulement de monter le mécanisme indépendamment du bâti, mais aussi d’assurer une très grande stabilité et un parfait alignement des axes.

 

Ci-contre : Notes de Marc Renaud pour la conception du barillet de la caméra H16, inspirées par un livre d'horlogerie de G. A. Berner, 1933. Fondation Bolex-Ouvelay.

 

Ci-dessous : Historique publié dans le Catalogue général Cinéma. 8 - 9.5 - 16mm, c. 1950. Archives cantonales vaudoises, Fonds Paillard-Hermès-Precisa, PP680/2486.

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Ci-contre : Montage de la platine et du mécanisme dans le bâti de la caméra H16, 1954.
Archives cantonales vaudoises, Fonds Paillard-Hermès-Precisa, PP680/3185.

 

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Ci-dessous :

- Caméra Bolex H16 Reflex ajourée sur support de démonstration équipé d'un moteur électrique, Paillard, Sainte-Croix (Suisse), c. 1960, collection Michel Brouard.

- Caméra Bolex H16, Paillard, Sainte-Croix (Suisse), c. 1960, Fondation Bolex-Ouvelay.