Automatisme

Le développement technologique du cinéma amateur a largement été porté, depuis ses débuts, par une tendance à la simplification des appareils et à la démocratisation de leur usage. Déjà en 1924, Duclair-Northy, auteur d’un Guide du cinégraphiste amateur, reproche aux caméras dites « amateurs » d’être trop lourdes, trop chères, trop perfectionnées, et en somme incapables de « créer l’amateurisme ». L’auteur s’empresse toutefois de vanter la caméra Pathé-Baby, qui lui semble ouvrir la voie de l’avenir par sa grande simplicité d’emploi. Paillard va d’abord à contrecourant de cette tendance avec sa caméra modèle H. Bien qu’elle soit annoncée comme « la plus simple à manier de toutes les ciné-caméras du monde », elle n’en demeure pas moins un appareil sophistiqué et versatile, destiné à l’amateur éclairé.

Au tournant des années 1960, le cinéma amateur entre de plain-pied dans l’ère de « l’automaticité ». Fondée sur une politique de qualité exigeant de longues périodes de développement, la société Paillard s’en trouve déstabilisée. L’introduction de caméras dotées d’un système de réglage automatique du diaphragme met en relief son retard en matière d’électronique. Ce décalage est aussi accentué par l’abandon définitif, en 1952, des recherches menées dans le secteur de la télévision. En s’empressant d’ajouter un posemètre à cellule sur sa caméra B8L, Bolex entre un peu contre son gré dans une arène dominée par les principes d’obsolescence programmée, d’innovation intempestive et de baisse des coûts.

 

 

Ci-contre : La Bolex B8L franchit une première étape vers l'automaticité selon cette publicité française. Paris Match (Paris), n°516, 28 février 1959.

 

Ci-dessous : Caméra Bolex B8L ajourée sur support de démonstration, Sainte-Croix (Suisse), c.1958, Fondation Bolex-Ouvelay.

En 1963, avec la série « Zoom Reflex Automatic », Bolex fait véritablement le saut dans l’automatisation. Les boîtiers H et L sont abandonnés pour ces caméras d’une nouvelle conception et équipées d’un « oeil électronique », d’une visée reflex et d’une poignée de déclenchement. Mais Paillard est à nouveau pris de vitesse lorsque Kodak introduit le format Super 8 en 1966, un système de cartouche qui facilite grandement le chargement de la pellicule et contribue au boom du cinéma amateur.

 

" Le jour où le cinéaste aura à sa disposition une caméra à cellule photo-électrique couplée au diaphragme et à visée continue sans parallaxe, il pourra se donner tout entier à son sujet et faire oeuvre créatrice."

Edouard Molinaro, 1948

 

 

Ci-contre : Le mode d'emploi serait voué à disparaître grâce à la Bolex Zoom Automatic S1. Cinéma international (Echandens), n°1, mai-juin-juillet 1964.

 

Ci-dessous : Caméra Bolex Zoom Reflex Automatic K1, Sainte-Croix (Suisse), c. 1962, Fondation Bolex-Ouvelay.

 

Richard Authier, responsable du design chez Paillard, est alors chargé de concevoir la première caméra Bolex au format Super 8. Le dessin de cette caméra, la Bolex 150 Super, très compacte, incarne un idéal de légèreté et de simplicité. Actionnée par un petit moteur électrique, la caméra ajuste automatiquement le diaphragme et ne propose qu’une seule vitesse de 16 images par seconde. Les accessoires sont supprimés et pour la simplifier, elle n’est équipée que d’un seul objectif, un zoom intégré, ajustable à l’aide d’une manivelle qui, dans la version Macrozoom, permet de faire la mise au point de 3 cm à l’infini.


La Bolex 150 témoigne du changement qui s’opère chez Paillard. La caméra est encore mécanique et fonctionne avec de la pellicule, mais la 150 annonce déjà l’ère de l’électronique. Dans son design, ce pourrait être une caméra vidéo. Le corps machinique de la caméra s’efface et l’instrument est envisagé par Richard Authier comme un prolongement du corps humain.

 

 

Ci-contre : Extrait de Genèse d'une caméra, s. d. Archives Richard Authier.

 

Ci-dessous :

1- Extrait de Genèse d'une caméra, s. d. Archives Richard Authier.

2- Cette Bolex 150 Super ajourée exhibe ses composantes optiques et électroniques. Bolex Reporter (Sainte-Croix), 1er semestre 1967.

3- Caméra Bolex 150 Super, Sainte-Croix (Suisse), c. 1966, Fondation Bolex-Ouvelay.

4- Bolex 160 Marcozoom

5- Caméra  Bolex 233 Compact, Paillard, Sainte-Croix (fabriquée en Autriche), c. 1971, Fondation Bolex-Ouvelay.