Revere 85

J’ai découvert la marque Revere lors de la conception de cette exposition. Société américaine basée à Chicago, Revere a été très célèbre aux Etats-Unis des années 1940 aux années 1960.

A ses débuts, dans les années 1920, cette société fabriquait des radiateurs pour automobiles, puis s’est diversifiée en fabriquant des objets ménagers grossiers. A la fin des années 1930, la société prend le nom de Revere Camera Company, et sera à la fin des années 1950 le second plus gros fabricant de caméras et de projecteurs de petit format aux Etats-Unis.

Voici ce que dit le magazine Fortune en 1948 au sujet de Samuel Briskin, fondateur de cette société : […] sa Revere Camera Co. fait beaucoup de publicité et inonde le marché d'appareils photo et de projecteurs bon marché, d'aspect lisse et plaisant. Si elle poursuit sa croissance spectaculaire, elle pourrait même supplanter Bell & Howell […]

Dans les années 1950, Revere sort la caméra 88 au prix de 30 $ pour concurrencer la Filmo 8 de Bell & Howell qui coûtait alors 50 $. On voit là un aspect caractéristique de la société Revere : faire comme les concurrents mais en moins cher, avec parfois de fortes ressemblances dans l’aspect extérieur. Je vous invite a rechercher des images du projecteur Bell & Howell Regent pour le comparer au Revere 85... Les appareils, cinématographiques ou non, produits par Revere étaient d'une qualité correcte pour le prix demandé.

La société Revere sera vendue en 1960 à la société 3M pour 17 millions de dollars par son fondateur-dirigeant après que ce dernier ait été diagnostiqué d'un cancer inopérable.

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Mettons l’histoire de Revere de côté pour quelques instants, et parlons du projecteur lui-même.

L’aspect extérieur et les finitions du Revere 85 sont impeccables. Un peu de Bakélite ça et là, du chrome pour les boutons, manettes, glissières et roues dentées, de l’aluminium pour l’objectif et une belle peinture brune dorée finement texturée : nous sommes ici en présence d’un très bel appareil. Je n’ai trouvé aucun jeu mécanique malvenu et la qualité des gravures sur les plaques métalliques est irréprochable. Pour finir, le capot marron dans le style de celui d’une machine à coudre et l’emplacement dans le pied de l’appareil où viennent se ranger deux bobines de 120 mètres, viennent compléter ce très joli tableau. Ce projecteur - que je n’ai pas eu l’occasion de voir en fonctionnement - est bel et bien du bon matériel.

La Revere Camera Co. avait la fâcheuse habitude de copier la concurrence afin de vendre des appareils similaires pour un prix moindre, ce qui n’est pas très glorieux. D’un autre côté, de ce que j’en ai lu et constaté, le matériel de la Revere Camera Co. a bonne réputation et semble de qualité correcte, ce qui m’empêche de classer cette société dans la catégorie des copieurs sans âme ni dignité.

Au final, le Revere 85 est-il de l’art ou du cochon ? Je réponds sans hésitation qu’il est une véritable pièce d’art. De l’art dont l’inspiration est venue en regardant par dessus l’épaule du voisin, certes, mais de l'art quand même.
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Pierre Bouchut

Fabriqué à partir de 1949

Vitesse variable
Rembobinage rapide
Socle avec emplacement de rangement pour deux bobines
Capot de transport

Déposant : Jean-Claude Marcelli
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Pour aller plus loin, le site du Made In Chicago Museum >>>

Cineric Ericsson E8

Ce projecteur datant des années 1950 a une bonne réputation et son constructeur français l'a tout autant. Évoquons en détail la matière composant la majorité des parties marrons de ce projecteur (les parties jaunes étant en métal peint) : la Bakélite. Voici ce qu'en dit le "Dictionnaire complet des grandes inventions" :

La recherche de matériaux synthétiques a débuté vers 1860 pour remplacer les matières comme l’ivoire qui se faisaient rares, mais aussi pour fabriquer des produits plus malléables ou qui puissent être extrudés sous forme de fibres. Les premiers plastiques étaient des polymères semi-synthétiques obtenus à partir de cellulose (issue par exemple du bois ou du coton, NDR) modifiée […]. Ensuite apparurent des plastiques complètement synthétiques comme la Bakélite. […]

Léo Baekeland (1863-1944) fabriqua le premier plastique synthétique en 1907 en faisant réagir du phénol avec un autre composé chimique : le formaldéhyde (du formol, NDR). Il obtint une résine phénolique qu’il baptisa Bakélite. [...] Plusieurs plastiques furent synthétisés au début des années 1950. Le chlorure de polyvinyle (PVC) est utilisé pour fabriquer des sols. Les formaldéhydes mélaminés (1930) sont constitués de feuilles de plastique intercalées avec les feuilles de papier ou de tissu. Ils sont utilisés pour fabriquer le Formica.

La Bakélite est un matériau solide (bien que cassant), qui résiste très bien à la chaleur et qui s'avère être un excellent isolant électrique. Cette matière a été utilisée dans de nombreux objets : jouets, téléphones, manches de casseroles, interrupteurs et prises électriques, lampes, boules de billard, etc...

Il est à noter que les support des films (cf : préambule de cette expo) traités par la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain sont composés de tri-acétate de cellulose, synthétisé en suivant les mêmes principes que la Bakélite. Voici un historique rapide des supports pelliculaires : le nitrate de cellulose (début du cinéma jusqu’à la fin des années 1930) : très transparent, extrêmement inflammable, vieillit mal. On le surnomme "film flamme", le tri-acétate de cellulose : un peu moins transparent que le nitrate, difficilement inflammable, vieillissant mieux que le nitrate. Il est appelé "film de sécurité", le polyester (depuis le milieu des années 1980) : très solide, ininflammable, durée de vie très longue.

Réflexion faite, une bonne partie du projecteur Cinéric E8 qui nous intéresse ici est fabriqué dans une matière très proche des films qu'il projette. Une mise en abyme comme celle-ci, on n'en croise pas tous les jours !
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Pierre Bouchut

Ci-contre, le corps du moteur entièrement fait en Bakélite

Émission "LSD, la série documentaire" sur France Culture. Le premier épisode la série "Un monde en plastique" évoque longuement le nitrate de cellulose, la Bakélite et leurs successeurs >>>

Ci-contre, publicité de 1957 vantant les qualités du modèle F8.

Ci-dessous, détail de la plaque métallique "Cinéric Ericsson" du projecteur. Ensuite, détail de la courroie métallique du projecteur.

Fabriqué à partir de 1952

Deux interrupteurs (lampe et moteur)
Utilisation simple
Vitesse fixe

Déposante: Mauricette Perrier
Utilisateur : René Decoux
Comptable à la CPAM, passionné de montagne, de géologie et de sciences en tout genre, René Decoux acquiert son matériel cinématographique 8mm et 16mm à l’arrivée de sa fille Mauricette Perrier. Pour ses projecteurs 8 mm ou 16 mm, M. Decoux reste fidèle à la marque Cinéric.

Bolex 18-5

Comme toujours chez les Suisses de Paillard-Bolex, la conception impeccable et la robustesse à toute épreuve sont au rendez-vous. Sauf pour le logo vraisemblablement collé sur le capot avec une colle de piètre qualité (ce désagrément semble être courant sur les projecteurs de cette série).

Ce charmant projecteur facile d’utilisation et très facilement transportable contient, sous ses airs de simplicité, un bijoux d’ingénierie : l’obturateur à pales variables. Si les grands principes de la projection cinématographique vous échappent, n’hésitez pas à aller faire un tour dans le préambule de cette exposition.

Le 18-5 accomplit un tour de force en pouvant ralentir la cadence de projection à 5 images par seconde, sans provoquer de scintillement. C’est un exploit pour l’époque, surtout qu’il s’agit d’un projecteur destiné au grand public. Le secret de ce ralenti réside dans l’obturateur à pales variables en photo ci-contre. En marche normale (18 i/s) l’obturateur n’a que trois pales et lorsque l'utilisateur passe en cadence ralentie (5 i/s) l’obturateur "déploie" neuf pales au total. Un petit dessin valant toujours mieux qu’un grand discours, vous trouverez dans la seconde moitié de cette page du site BolexCollector.com une animation montrant le déploiement des pales de l’obturateur.

Multiplier le nombre de pales, sans changer la vitesse de rotation de l’obturateur, a pour effet de multiplier artificiellement le nombre d’images projetées par seconde. Cela réussit ainsi à berner de nouveau notre œil avec l’illusion d’un mouvement grâce au fameux phénomène de persistance rétinienne qui est à la base de la magie du cinéma.
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Pierre Bouchut

Gamme fabriquée entre 1961 et 1973
Modèle présenté fabriqué en 1962

Cadence : 18 i/s + ralentit à 5 i/s
Couvercle amovible et poignée de transport
Très compact

Déposante : Monique Thalvard
Utilisateur : Pierre Auclair (tournait avec une caméra Paillard Bolex C8SL)