Les cinémathèques régionales ont pour mission première la conservation, la sauvegarde et la valorisation des archives audiovisuelles de l’aire géographique sur laquelle elles œuvrent. Elles participent ainsi à la fabrication d’un patrimoine ancré sur leur territoire pour le restituer aux habitants et leur rapporter une part de leur histoire. C’est en rendant ce passé, présent, par le traitement numérique des supports notamment, mais pas uniquement, que ces structures peuvent interroger leur territoire, leur vécu, leurs constructions, leur identité pour tenter ensuite de faire résonance avec le monde contemporain.

 

On peut s’interroger alors sur l’intérêt ou le besoin de conserver et valoriser des films tournés ailleurs que sur le territoire régional des cinémathèques. À la lecture des exemples que nous avons retenus au sein de cette exposition, la constitution des fonds sur l’ailleurs au sein des cinémathèques régionales s’est bien souvent réalisée de façon empirique et c’est toujours un premier rapport au territoire qui l’a permis. La valorisation de l’ailleurs n’est pas souvent première face aux défis des structures pour promouvoir leurs collections, pourtant le rapport à l’autre, à l’ailleurs, la différenciation, peut être perçu comme un élément clé dans la construction patrimoniale.

 

 

Ci-contre : Voyage en Algérie, John Kinsmen - Cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain

C’est en ce sens qu’il nous a paru pertinent de faire se rencontrer des fonds de cinéastes amateurs, d’horizons géographiques et sociaux éloignés qui ont chacun collectionné des images de leur lointain, pour tenter de les rapprocher. C’est dans leur relation à l’objet filmé, dans la valeur qu’ils lui donnent que ces cinéastes amateurs voyageurs construisent un patrimoine, un patrimoine de l’ailleurs, parfois exotique, souvent rêvé ou idéalisé, qui en contre-champs esquisse quelques traits d’un patrimoine commun du voyage au départ de l’Europe. Au sein de fonds de cinémathèques, archives audiovisuelles et musées européens, nous avons retenus six portraits, ayant chacun leurs particularités : une femme, un aumônier, un ingénieur, un industriel, un explorateur, un commerçant, tous hommes et femme d’exception dans leur façon de filmer, pour tenter de dessiner une typologie du voyage dans le cinéma amateur. Incomplète, en construction, cette exposition se veut une injonction à la découverte du voyage dans le cinéma amateur.

 

Autour de ces fonds retenus, filmés des années 1920 aux années 1970, on peut alors se poser quelques questions, qui ne sont pas exhaustives. Qu’est-ce qui rend possible le film de voyage amateur ? Pourquoi filmer son voyage ? Prendre la caméra change-t-il le voyage et le voyageur ? Le voyage change-t-il le cinéaste amateur ? On peut alors souhaiter donner envie à tout un chacun de rapporter des carnets de voyage filmés, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs, et de les déposer au sein des cinémathèques régionales, pour continuer de constituer un patrimoine audiovisuel amateur commun.

 

 

Ci-contre : Croisière USA Michelangelo, Dante Alberti - Home Movies Bologne