Heurtier P 6-24

Entretien avec François Heurtier, fils d'Antoine Heurtier,
issu de la revue Cinescopie n°43 (2016)

Le P 6-24 a été lancé en 1970, avec l’avènement du Super 8. C’était un appareil dit « d’avant-garde » prévu pour des bobines de 120 mètres Super 8. Le premier modèle de cette famille était du type muet et la sonorisation n’était pas en série bien que pouvant être réalisée sur demande en usine. A part ce petit inconvénient, l’appareil était doté de tous les perfectionnements mis au point par la Maison Heurtier comme le chargement entièrement automatique, un ralenti de 6 et 8 images par seconde sans scintillement ni diminution de luminosité, une double cadence de projection de 18 et 24 images par seconde ou la marche arrière à toutes les cadences.

Le manque de sonorisation en série constituait malgré tout un inconvénient notable pour un appareil de cette classe. Cette carence n’est pas restée sans sensibiliser très vite Antoine Heurtier qui modifia son dernier modèle fin 1970, année durant laquelle il produisit le P 6-24 B. Pour l’époque ce projecteur était considéré comme le nec plus ultra en la matière. La société Heurtier s’est faite remarquée dès ses débuts par son génie à concevoir des appareils polyvalents en matière de formats. C’est ainsi que le P 6-24 B s’est vu adjoindre à son format Super 8 de base, le format 8 mm, qui était encore utilisé par certains amateurs. De toute façon, le format 8 mm avait été utilisé suffisamment longtemps pour que les Cinémathèques privées recèlent encore de nombreux films dans cette dimension. Sur le P 6-24 B, la sonorisation ne faisait pas partie intégrante du projecteur mais elle était associée par une base sonore pouvant être acquise en option et adaptée directement à l’appareil par enfichage rapide assuré par l’opérateur. Ce matériel connut un franc succès puisqu’il s’est vendu jusqu’à 4000 unités par mois.

Article de Jean-Paul Francesch, initialement publié dans le journal "Le Progrès" de Saint-Étienne
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Ci-dessous, illustrations montrant le socle sonore du projecteur, suivies de quelques pages du manuel (il est à noter que la poignée de transport fait également office de bouton de rembobinage)

J’ai un secret à révéler : je suis originaire de la région de Saint-Étienne mais je ne supporte pas d’équipe de football, je ne travaille pas à la mine, je ne possède pas de bicyclette ni de fusil, et je n’apprécie pas la méditation (fusse-t-elle de Thaïs). J’ai longtemps cru qu’on allait me déchoir de ma nationalité stéphanoise pour non respect des traditions locales. Mes inquiétudes se sont envolées lorsque j’ai connu le P 6-24 de chez Heurtier. Enfin une légende locale à laquelle je pouvais m’identifier, ouf !

Sa couleur bleue claire, son design assez particulier et son fonctionnement que je qualifierais de "sec" m'ont tout de suite plu. Les projecteurs de cette série sont ingénieux et bien conçus. Ils peuvent cependant effrayer les novices ou celles et ceux qui veulent juste appuyer sur un bouton "et que ça marche tout de suite". Sans être des usines à gaz, les P 6-24 possèdent peut-être plus de boutons, de manettes et de tirettes que d’autres projecteurs équivalents. Ceci dit, la plupart des fonctions que vous êtes censé utiliser en tant qu’amateur débutant, sont signalées par la couleur rouge. Donc si vous tirez, tournez ou forcez sur une manette qui n’est pas rouge, il y a de fortes chances que cette dernière ne soit pas une manette du tout.

Ces projecteurs proviennent de l’imagination d’un inventeur, au sens le plus noble du terme. Ils ne sont pas toujours simples d’utilisation et leurs réglages sont parfois capricieux. Les fonctions parfois uniques qu’ils possèdent, la robustesse de leur construction et leur qualité de projection, en font des machines de très haute volée.

D'ailleurs, la phrase "Qui c’est les plus forts ? Évidement, c’est les bleus clairs" est la devise de la ville de Saint-Étienne. Enfin, je crois...
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Pierre Bouchut

Fabriqué en 1970

Bi-format 8/S8
Cadences 18 et 24 i/s + ralentit à 6 i/s
Socle audio en option

Déposant et utilisateur : Jean-Claude Dussoliet

Jean-Claude Dussoliet travaillait pour l’entreprise Dupont à Faverges (Briquets) où il fût prototypiste. Après nous avoir confié ses films de famille il nous a déposé sa caméra Bell & Howell et son projecteur Heurtier. La caisse en bois du projecteur a été fabriquée sur mesure par son père.

Bauer T 520 Duoplay

1979. Le format Super 8 a quasiment quinze ans. Des magnétoscopes VHS commencent à apparaître dans les meubles TV des salons français. Les innovations des projecteurs sont à présent de l'ordre du confort d'utilisation et de la praticité.

Nous sommes ici en présence d’un projecteur qui arrive aisément premier dans la catégorie "J’installe ma bobine, j’appuie sur le bouton et ça fonctionne sans accroc". Le chargement automatique du film est une réussite : vous approchez votre amorce de la fente située au-dessus de l’objectif, et hop, votre film est happé par le projecteur. Le film ressort en quelques secondes à l’arrière du projecteur et vient s’enrouler sur votre bobine réceptrice. Cette fonction n’est absolument pas une exclusivité ni de Bauer, ni liée à l’année tardive de sortie du T520, mais son efficacité est ici particulièrement redoutable.

Cependant, le T520 Duoplay associé à son manuel très complet et détaillé, fera également arriver premier ce projecteur dans la catégorie "J’ai fait un montage précis au millième de seconde avec une qualité sonore dont Ray Dolby serait fier" (un peu long comme nom de catégorie, je vous l’accorde).

[suite après la photo ci-dessous]
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Ci-contre, noter l'éclairage vert des commandes lorsque le projecteur est mis sous tension

Ci-dessous, la carte électronique liée au compteur d'images

Les deux aspects centraux du T520 Duoplay : son compteur d’images à mémoire électronique et sa très complète table de mixage audio intégrée.

Le compteur électronique comporte sept caractères (six chiffres et le signe négatif). Il est donc en mesure de repérer chacune des 60000 images contenues dans une bobine de 240 mètres. Cela permet de poser un repère exact sur votre montage, et de déclencher une action à ce moment là. Par exemple, vous pouvez lancer la lecture d’une cassette audio sur un magnétophone tiers (relié électriquement au T520) lorsque le film Super 8 franchit votre repère.

Le T520 Duoplay autorise l’enregistrement sur les deux pistes magnétiques d’un film Super 8 (cf : la caméra Super 8 Bauer S2035 XL). Les joies de la stéréophonie et du trucage audio s’offrent donc à vous.

Prenons un exemple. Vous avez filmé vos enfants jouant sur la plage durant l’été. Une fois votre film revenu de chez Kodak, vous pouvez, grâce à votre T520 Duoplay et sa table de mixage intégrée, enregistrer une douce musique d’accompagnement sur la piste n° 1, tout en laissant la prise de son directe de vos enfants jouant sur la plage sur la piste n° 2. La touche "Trick" (qu’on peut traduire ici par "trucage") sert à superposer de l’audio sur un enregistrement déjà existant. Sur cette piste n° 2, où se trouvent déjà les cris de joie de vos enfants, vous pouvez superposer et ajouter délicatement les cris de goélands et de vendeurs de beignets. Vous voici devenu champion du monde dans la catégorie "J'étais à la plage du lac d'Annecy, mais j'ai truqué l'audio de mon film pour faire croire que j'étais à la plage de Sainte-Maxime".
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Pierre Bouchut

Ci-contre, la dernière page du livret de garantie du projecteur. Détail amusant : sur la droite, écrit à la verticale, la mention "Imprimé en République Fédérale d'Allemagne". Une tout autre époque...

Ci-dessous, les premières pages de la notice

Fabriqué en 1978

Super 8 uniquement

Cadences 18 et 24 i/s
Compteur d'images à mémoire électronique
Lecture/enregistrement audio bipiste
Table de mixage audio intégrée
Connectique entre/sortie très complète

Déposant : Michel Gleyze
Utilisateur : Roger Gleyze

Eumig RS 3000

C'est une télé ? C'est un four à micro-ondes ? Non, c'est le RS 3000 !

Possédant un design attrayant et les derniers perfectionnements techniques de l’époque (chargement automatique, lampe quartz, lecteur audio bipiste, entrée audio, sortie haut-parleur et écouteur), le RS 3000 apparaît rassurant de prime abord. Mais s’il se distingue c’est avant tout parce qu’il essaie de se faire passer pour une télévision, à une époque où, je pense, la vidéo à domicile devait commencer à faire de l’ombre au "Cinéma chez soi".

N’oubliant pas ses racines, le RS 3000 est également capable d’effectuer une projection traditionnelle grâce à son miroir déflecteur pivotant. Visionner ou projeter un film avec cet appareil est (presque) aussi simple que lancer la lecture d'une cassette vidéo.

Détail intéressant : la bobine débitrice et la bobine réceptrice sont placées sur le même axe.
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Pierre Bouchut

Ci-contre, le RS 3000 en mode projecteur. Le miroir déflecteur pivotant est "ouvert" ce qui laisse entrevoir l'objection de projection.

Fabriqué à partir de 1978

Super 8 uniquement
Cadence variable de 18 à 24 i/s
Lecture audio bi-piste
Connectique entrée/sortie audio bien fournie

Déposant : Marc Rougerie