Exploration

Au sommet de l’Himalaya, depuis le cratère fumant du Stromboli ou dans les étendues glaciales de l’Arctique, les caméras Bolex ont visité les coins les plus reculés et les plus inhospitaliers de la planète. Si elles s’accommodent fort bien des activités quotidiennes et des voyages touristiques, elles sont également présentées comme l’accessoire idéal de l’explorateur chevronné, suivant un imaginaire aventurier qui les associe au piolet ou au fusil, parfois avec d’évidents accents colonialistes. Fidèle à l’ethos du « professionnel-amateur » qui imprègne l’ensemble de la production Bolex, la caméra modèle H est décrite comme un véritable outil d’investigation scientifique, capable de résister aux conditions de tournage les plus extrêmes.

 

 

Ci-contre : Page de la bande dessinée Dickie Dare illustrée par Coulton Waugh et créee par Milton Caniff, juillet 1951. Bolex Reporter (New York), vol. 2, n°3, été 1952.

 

Ci-dessous : Le chef d'expédition et ancien skieur alpin David Zogg sur le mont Dunagiri en 1939. Tous droits réservés / collection Cinémathèque suisse.

Le discours institutionnel fait grand cas des « séances de torture » auxquelles sont soumis les appareils afin d’en contrôler la qualité d’endurance : chambres frigorifique ou de corrosion s’assurent en effet que les caméras Bolex résistent aussi bien au « climat polaire » qu’à la « chaleur des tropiques », qu’elles fonctionnent « de moins cinquante à plus cinquante degrés ». Plusieurs explorateurs et scientifiques, et non les moindres, ont l’occasion de mettre ces affirmations à l’épreuve : l’océanographe suisse Jacques Piccard, le volcanologue et documentariste d’origine polonaise Haroun Tazieff, l’ethnographe et aventurier norvégien Thor Heyerdahl, etc.

Fidèle à ses origines montagnardes, la Bolex est aussi particulièrement prisée des alpinistes. Depuis l’expédition suisse dans l’Himalaya de 1939 menée par André Roch, Fritz Steuri et David Zogg, plusieurs alpinistes de renom emportent une Bolex dans leurs bagages, dont Denis Bertholet, Raymond Lambert, Mike E. B. Banks et Sir Edmund Hillary, premier à atteindre le sommet de l’Everest.

 

 

Ci-contre : L'aventurier et héros de guerre Mike E. B. Banks dans la Sierra Nevada, en Californie. Bolex Reporter (Linden), vol 14, n°1, 1964.

 

Ci-dessous : Numéro du Bulletin d'information Paillard consacré à l'expédition des frères Omidvar, août 1960. Archives cantonales vaudoises, fonds Paillard-Hermès-Precisa, PP680/2529.

"...Notre caméra H16 a toujours fait partie de l'équipement de notre laboratoire sous-marin. Nous avons pu filmer ainsi le fond de la mer dans des circonstances variées. ces documents intéressants s'ajoutent ainsi à ceux qui ont été livrés par des photomètres, des gravimètres, des compteurs Geiger, des hydrophones et d'autres instruments de recherche de précision."

Jacques Piccard, 1961

 

 

Mais l’expédition qui incarne le mieux les valeurs de fiabilité et de durabilité revendiquées par la société Paillard est sans doute celle entreprise en 1954 par Issa et Abdullah Omidvar. Équipés d’une Bolex H16, les deux frères partent à motocyclette de Téhéran pour ne revenir que sept ans plus tard, après avoir visité les populations les plus isolées de la planète. Leur expédition de 225 000 km les mène en Inde, en Chine, en Australie et en Nouvelle-Zélande, à Tahiti et à Bali, puis à chaque extrémité de l’Amérique, depuis le cercle Arctique jusqu’à la Terre de feu. En chemin, ils vivent plusieurs mois avec les Inuits et les tribus d’Amazonie, en particulier les Yaguas et les Jivaros, « les fameux chasseurs de têtes ». Cinéastes sans expérience, ils ramènent des images exceptionnelles, qui constituent non seulement un document ethnographique d’une inestimable valeur, mais témoignent également de l’incomparable versatilité des caméras Bolex.

 

 

Ci-contre : Boîte étanche pour l'exploration sous-marine.